Raffaello
Putain que ça fait mal. Y disent que c’est ma faute parce que j’ai refusé la chimio et puis y sont plutôt radins en morphine. Saloperies de gardes-chiourme. Je le savais qu’au centre médical ils allaient me torturer. Je les supplie, je les conjure, je les insulte, je les maudis. Rien à faire. J’suis un assassin cruel et sans pitié et même ici, au centre médical, ça fait la différence. Putain que ça fait mal. Ils ont fini par me le dire : j’ai un cancer de l’estomac. Et maintenant que je le sais, j’arrête pas de me tenir le ventre. Je suis maigre comme un clou mais au moins j’ai encore des cheveux sur le crâne. Ici, la came circule aussi mais elle coûte les yeux de la tête et j’ai pas un rond. Et puis j’peux même plus me lever du pieu. C’est pour bientôt. C’est ce que m’a dit aussi le prêtre : « Allez, du courage. Demande pardon à Dieu pour tes péchés. » « Va te faire foutre, je lui ai crié. Ça fait plus de quinze ans que je fais que ça, demander pardon. » J’arrête pas de ressasser le passé et de me traiter de con. J’ai eu tout faux. Et ça me fatigue même de le penser. J’ai qu’une hâte, crever et voir ce qu’il y a de l’autre côté. Si Dieu existe, peut-être qu’il aura pitié. En tout cas, Contin avait raison sur l’obscurité. Parfois je vois plus rien et je me mets à flipper sérieux. Savoir si ce connard a retrouvé la raison. J’espère qu’il saura bien profiter de sa deuxième chance. Putain, quelle vie pourrie j’ai eue ! Et quelle mort de merde ! Ici, au service des phases terminales, la mort est partout. Et personne n’a pitié. On est la lie des prisons, ceux qui sont même pas dignes de crever dans un hosto normal. Plus vite on débarrasse le plancher, mieux c’est. J’ai écrit une lettre à Giorgia. Je la garde dans ma table de nuit depuis presque un mois. Maintenant, le moment est venu de l’envoyer.